Dans ce matin rennais indécis – pluie ou crachin ? –, ils sont près de 80 jeunes à se presser mollement pour monter dans les bus. Il faut dire qu’il n’est que 6 heures du matin lorsque retentit cette suite de chiffres pairs 2,4,6,8…, antienne infantilisante des sorties scolaires. Tout le monde est là ; la fébrilité des professeurs est priée de descendre du bus, tout va bien se passer – jusqu’à Paris du moins. 

Les esprits engourdis hésitent entre propos banals ponctués de bâillements et sommeil. 

Ils pourraient être des lycéens… Mais au vu de la densité de rubik’s cube et de barbes on ne pouvait s’y tromper : les fiers maths sup de Chatô étaient de sortie. Peu miscibles, on pouvait distinguer aisément les trois classes : PCSI3, MPSI1 et MPSI3 .

Trois heures plus tard, Chartres. Autour d’un café sans caractère coupé à l’eau chaude on tente d’optimiser le temps libre que l’on aura à Paris. La tour Eiffel est en vue ! Plus que quelques minutes. Nous y sommes : IUT de Paris, avenue de Versailles, près de la frontière entre le 15e et le 16e arrondissement. Le ton est solennel, les consignes précises. Carte d’identité contre badge. Dépersonnalisés, nous devenons des « visiteurs ». 

Dans les couloirs, les portes numérotées se succèdent, un candidat figé près de chacune d’entre elles. Tous semblent penser que la peine de mort a été rétablie le temps de leur oral. Leur peur est communicative parce qu’ils sont nous, enfin à un an près, tentons nous de relativiser. 

La porte s’ouvre sur une salle exiguë, dans un sursaut le candidat se dresse. « Acceptez-vous ces deux visiteurs ? » Plutôt froid ce premier contact avec le jury. Comme contraint, il acquiesce. C’est parti pour 40 minutes partagées en 2 parties interchangeables de 20 minutes, elles-mêmes segmentées en 10 minutes : présentation de l’ADS / questions, présentation du TIPE / questions. 

Debout, face au jury, il choisit de présenter en premier l’ADS : nombre de Stirling pour les MP, problème de l’intégration des énergies renouvelables au réseau EDF pour les PSI, puisqu’il y a unicité des sujets par demi-journée. 

A l’aide de transparents préparés manuscritement pendant les 2 h. 15 de préparation, il rend compte plus ou moins clairement du dossier qui lui a été confié, sélectionnant et se concentrant sur des éléments parfois différents des autres candidats. Mais il est difficile pour le visiteur d’apprécier la qualité de son travail, car il n’a pas accès au sujet. Viennent ensuite les questions : « Donnez la définition rigoureuse d’une injection et d’une surjection. » 

La simplicité des premières questions étonne ; elles ne font intervenir que des notions de première année. Grisé, on susurre la réponse. Le candidat, lui, échoue à exprimer sa pensée. C’est à ce moment que son vrai bourreau s’est dévoilé, retirant sa cagoule, le stress. À cause de lui, sa capacité de réaction face au jury s’étiole, il trébuche, son temps s’enfuit. Certains candidats stagneront sur des questions faciles, tandis que d’autres parviendront à étonner le jury. C’est la dur loi des concours. Toutefois, les questions sont les mêmes : les jurys se réunissent pour définir celles à poser 

pour le sujet de la demi-journée. Mais évidemment, leur difficulté s’adapte au candidat. 

Les sujets de TIPE quant à eux sont variés, intéressants : trouver une modélisation de l’augmentation du nombre de coups nécessaire à la résolution d’un Rubik’s cube, 

le pendule inversé, comment gagner un match de tennis ou encore présentation d’un algorithme de correction orthographique… 

La différence se fait clairement sentir entre le candidat qui travaille depuis un an sur ce projet et celui qui avoue à demi-mot qu’il n’a commencé que le mois dernier : si cette présentation rattrape la plupart des candidats, elle en fait sombrer d’autres. 

Finalement, c’est rassurée que la plupart des futurs Spé ressortent : l’épreuve reste humaine, les concurrents sont loin d’être tous exceptionnels… 

Certes, cela ne nous permettra pas d’arriver en territoire conquis l’année prochaine, mais au moins notre confiance est renforcée. 

Six courageux MPSI3, menés par Mme Cousin, allèrent en plus assister à des oraux de maths et de physique du concours CCP. Tous se sont accordés pour dire que les exercices étaient classiques et que le programme de Sup était largement représenté – un peu de révisions s’imposent cet été, non ? 

MPSI1,PCSI 3 et MPSI3, se dispersèrent ensuite en petits groupes dans la capitale, bien décidés à profiter pleinement de leur temps libre. Guidés par le fameux aiguillon métallique, échouant à percer les nuages cet après-midi là, nous nous mettons en marche. Le soleil se cache, mais on devine sa présence derrière les nuages à la lourdeur de l’air. « Do you want a little tour Eiffel ? » L’anglais semble être devenu la langue officielle ; ça y est, nous sommes entrés dans le territoire  international du tourisme. Nous voilà redevenus simples « visiteurs ». Mais la vie d’un élève de prépa ne peut être ordinaire. À peine a-t-il levé les yeux que les mathématiques et la physique reviennent le hanter. En effet, au premier étage de la tour Eiffel, figurent les noms de ceux avec qui nous avons l’impression d’avoir dormi, mangé, souffert et jouit tout à la fois : Lagrange, Laplace, Cauchy, Clapeyron, Carnot, Gay-Lussac – omniprésente cette thermodynamique… 

« Il fait chaud », lance quelqu’un, comme si nous cherchions un prétexte, « Et si on mangeait une glace ? » Un détour par le Trocadéro un cornet à la main, un arrêt à une brasserie plus tard, il faut déjà songer à retrouver l’IUT ; heureusement, quelques bases de topologie ont été posées en fin 

d’année. C’est donc sans difficultés (majeures) que nous retrouvons nos camarades. 

17 h 15. Tout le monde est là…ou presque. 

Condamné à passer sous les fourches caudines formées par ses camarades qui l’applaudissent dans une ambiance bon enfant, J. retrouve son siège avec 20 minutes de retard. Jeux de carte en tout genre, musiques, discussions animées furent le décor de ce retour, entrecoupé du pique-nique 

et de la traditionnelle photo de groupe. 

La joyeuse troupe, soudée par un an de proximité, a finalement pu retrouver le soleil breton un peu avant 23 heures – enfin, pour être franc, il pleuvait…