Alors que la capacité de croyance investie par les premiers spectateurs de cinéma semble être aujourd’hui perdue, le documentaire apparait comme un moyen de douter du monde à nouveau. Le cinéaste Jean-Louis Comolli opère ainsi un passage de la fiction au film documentaire « pour continuer à y croire ». « L’important n’est pas de croire que ce que l’on voit est vrai, mais de commencer à penser que ce n’est peut-être pas vrai », explique le cinéaste dont l’objectif est de « faire découvrir au spectateur des choses qu’il ne soupçonnait pas ». Le cinéma documentaire implique aussi une réflexion sur les rapports complexes existant entre corps et caméra. « Le film documentaire consiste à filmer la façon dont un corps se place par rapport à la machine : […] quand le corps filmé est amateur, il s’opère un processus de séduction envers l’objet filmant, ce à l’insu de la machine ; […] notre narcissisme est tel que nous ne pouvons pas admettre l’idée de nous montrer à quelque chose qui nous est indifférent, c’est pourquoi nous inventons une relation à la caméra. »

Le mercredi 31 mai 2012, la classe d’Option Cinéma-Audiovisuel en CPGE Littéraire au lycée Chateaubriand a eu la chance de recevoir Jean-Louis Comolli pour un cours de cinéma sur le thème du cadre, basé sur l’analyse de trois films de Pedro Costa: « Ossos » (1997), « Dans la chambre de Vanda » (2000) et « En avant jeunesse! » (2006). Plus encore que de nous exposer sa vision du cinéma avec pédagogie et passion, l’expérience proposée pendant ces cinq heures restera pour nous, élèves en Option Cinéma-Audiovisuel, un moment inoubliable de réflexion sur le cinéma. Dans la volonté mutuelle de prolonger ce moment d’échange, nous avons créé ce blog qui se veut porteur d’un regard différent sur « ces films à part qu’on nomme « documentaires » ». Il sera principalement constitué de critiques rédigées par les élèves de l’option avec l’appui et les interventions fréquentes de M. Comolli.

Réalisateur, scénariste et écrivain français, Jean-Louis Comolli est né le 30 juillet 1941 à Philippeville (Algérie). Après avoir travaillé pour Les Cahiers du cinéma de 1962 à 1978, dont il sera le rédacteur en chef de 1966 à 1971, il devient réalisateur de fictions et de documentaires. Lors des manifestations de mai 1968, le cinéaste participe aux « états généraux du cinéma » dans l’objectif de refondre les organes de commandes du monde du cinéma et filme les élections présidentielles de 1969. Aujourd’hui réalisateur de « documentaires » (bien qu’il conteste quelque peu cette appellation), il est également rédacteur de la revue Images Documentaires et auteur de nombreux ouvrages théoriques et critiques tels que Corps et cadre (2012, Verdier).

Elèves en Classe Préparatoire aux Grandes Ecoles au lycée Chateaubriand de Rennes, les rédacteurs de ce blog étudient le Cinéma depuis deux ans avec leur professeure Mme Yola Le Caïnec. Ils ont ainsi pu découvrir et analyser films classiques et contemporains, se constituer peu à peu une solide culture cinématographique, et méditer les grands courants de pensée du cinéma. Ces deux années ont également été l’occasion de s’immiscer dans la dimension pratique du cinéma à travers le tournage d’un film intitulé  « Ifs », co-réalisé par Camille Loteau et Nicolas Malgonne et soutenu par la région Bretagne dans le cadre de l’appel à projet « Filmer le village breton ». La plupart d’entre eux se destinent à une carrière dans l’univers cinématographique, que ce soit la création, la critique, l’enseignement ou les médiations culturelles. Ce blog a donc aussi pour fonction de maintenir un lien entre ces élèves qui ont partagé pendant deux ans la même passion dans cette découverte collective du cinéma, et de les appuyer dans leurs réflexions et entreprises.